De matelas gonflables à Airbnb, retour sur une success story étonnante

Parfois, l’histoire d’une entreprise ressemble à une provocation. Celle d’Airbnb, en tout cas, n’a rien d’un conte classique dans les coulisses de la Silicon Valley. Son ascension s’est faite à rebours des conventions, et la force de son modèle a bousculé jusqu’aux habitudes les plus ancrées de nos sociétés.

Histoire d’Airbnb quelle est cette entreprise

Airbnb a vu le jour en 2008 sous l’impulsion de Brian Chesky, Joe Gebbia et Nathan Blecharczyk. Leur idée ? Permettre à chacun de louer sa maison ou une simple chambre à des voyageurs de passage. Le concept a pris de l’ampleur à une vitesse rare : très vite, la plateforme s’est imposée comme un acteur majeur du secteur, transformant radicalement la location de courte durée. Aujourd’hui, impossible d’évoquer le voyage sans penser à Airbnb, où l’on trouve aussi bien des studios en centre-ville que des cabanes perchées, des châteaux, et même des expériences locales guidées par des habitants.

On se souvient tous de ces injonctions : ne jamais ouvrir la porte à un inconnu, ne jamais communiquer de données sans réfléchir. Pourtant, l’époque a changé. Nous échangeons nos adresses avec des gens que nous n’aurions jamais croisés, nous dormons chez eux, et, souvent, nous tissons des liens inattendus. La plateforme a su casser les codes, au point de bouleverser notre rapport à la confiance, à l’échange et à la propriété.

Airbnb s’inscrit dans ce qu’on appelle l’économie collaborative, la fameuse sharing economy. Au lieu d’acheter, on partage, on loue, on prête. Une réponse concrète à la surconsommation, mais aussi à la recherche de sens. Dans ce modèle, ouvrir la porte de sa maison à des voyageurs anonymes devient presque une évidence. Comment cette petite idée a-t-elle pu générer aujourd’hui des revenus proches de cinq milliards de dollars, en alignant plus de chambres que les plus grands groupes hôteliers mondiaux ? Ce qui frappe, c’est que tout a démarré lors de la crise financière de 2008, alors que le monde entier cherchait de nouveaux moyens de s’en sortir.

Tout commence avec Joe Gebbia et Brian Chesky, deux designers installés à San Francisco, qui rêvaient de faire bouger les lignes. Après avoir quitté leur emploi, deux éléments leur tombent dessus : une hausse de loyer de plus de 20 %, synonyme, pour des jeunes sans revenus stables, de précarité, et la perspective d’une conférence de designers qui allait saturer la ville. Tous les hôtels affichaient complet. Deux constats s’imposent : les visiteurs de la conférence ne trouvent plus de logement, et Joe et Brian, eux, ont un besoin urgent de revenus. Joe lance alors une idée simple : installer des matelas gonflables dans leur salon et héberger des inconnus pour 80 dollars le week-end. AirbedAndBreakfast.com voit le jour. Les premiers invités repartent ravis, guides touristiques en main. Cette expérience, aussi modeste soit-elle, leur donne envie de la partager avec plus de monde.

Pour la prochaine étape, ils recrutent Nathan Blecharczyk, ingénieur, et visent la conférence South By Southwest à Austin. Mais cette fois, la mayonnaise ne prend pas : à peine six demandes, et deux réservations dont celle de Chesky lui-même. Loin de baisser les bras, ils comprennent que la clé n’est pas seulement dans l’événementiel, mais dans le voyage au sens large. Ils poursuivent alors sur un autre terrain : la Convention nationale démocrate de 2008 à Denver, où Barack Obama doit intervenir. La ville attend 100 000 visiteurs, mais ne compte que 30 000 chambres. Situation de crise pour l’hébergement, opportunité rêvée pour la petite équipe. Ils réactivent leur site, tentent l’aventure à grande échelle. Résultat : en quatre semaines, plus de 800 réservations. Mais dès la fin de l’événement, l’audience s’effondre à nouveau. Malgré cette visibilité, les investisseurs ne se pressent pas : une vingtaine approchés, cinq rendez-vous, aucune signature.

Face à des dettes qui s’accumulent, Joe et Brian cherchent une solution. S’appuyant sur l’effervescence de la campagne Obama, ils lancent une opération inattendue : vendre des boîtes de céréales à l’effigie des candidats pour financer leur projet. Un pari qui va attirer l’attention de Paul Graham, cofondateur de Y-Combinator.

Combien peut-on gagner sur Airbnb

La plateforme Airbnb attire de nombreux propriétaires désireux de louer leur bien à des voyageurs. Les revenus générés dépendent de multiples paramètres : localisation du logement, attractivité de la période, standing, qualité de l’accueil. Pour ceux qui souhaitent optimiser leurs résultats, plusieurs leviers existent : ajuster les tarifs en fonction de la concurrence, soigner la communication avec les invités, et viser des avis élogieux qui font vite la différence.

La vente de céréales n’a pas seulement permis de réduire la dette : elle a surtout convaincu Paul Graham que l’équipe était prête à tout pour faire avancer son projet, quitte à vendre des boîtes à 40 dollars. Graham n’était pas séduit par le concept même d’Airbnb, il l’a dit franchement : « Les gens utilisent vraiment ça ? C’est étrange. » Mais la ténacité et l’ingéniosité de Chesky et Gebbia l’emportent. Selon lui, si ces entrepreneurs parvenaient à écouler des céréales à prix d’or, ils trouveraient bien le moyen de rendre la location de logements profitable.

Airbnb ou Booking

Airbnb s’est imposé avec ses hébergements atypiques, souvent à prix plus doux, tandis que Booking se concentre sur une vaste offre d’hôtels et autres logements classiques. Chacun présente ses atouts : à vous de choisir selon vos envies, votre budget, ou l’expérience que vous recherchez.

L’investissement initial de Y-Combinator, 20 000 dollars, ouvre les portes à d’autres investisseurs. Rapidement, la jeune pousse lève 600 000 dollars supplémentaires, de quoi structurer une vraie équipe et lancer l’aventure sous un nom plus percutant : Airbnb. Le contexte joue pour eux. Après la crise financière, beaucoup cherchent des solutions pour boucler les fins de mois. Louer une chambre, un appartement ou une maison devient une option crédible, encouragée par la plateforme. Le succès repose aussi sur une idée simple : plus il y a d’annonces, plus le modèle fonctionne. Mais un obstacle subsiste : la qualité des photos proposées par les hôtes laisse à désirer, et freine l’intérêt des voyageurs. Pour y remédier, Airbnb propose un service de photographie professionnelle gratuit. Les annonces gagnent en attractivité, la fréquentation décolle.

Joe et Brian n’hésitent pas à se mettre eux-mêmes dans la peau des utilisateurs. Brian Chesky va jusqu’à vivre exclusivement dans des logements Airbnb pendant plusieurs mois, histoire de ressentir ce que vivent les hôtes et les voyageurs. L’expérience marque un tournant. L’entreprise affine son service, les investisseurs commencent à inverser le rapport de force, frappant eux-mêmes à la porte des fondateurs. En 2010, une nouvelle levée de fonds de 7,1 millions de dollars dynamise encore la croissance.

L’année suivante, l’acteur Ashton Kutcher rejoint l’aventure, injecte des fonds et s’implique au conseil d’administration. Début 2011, la plateforme compte un million d’annonces réparties dans 89 pays. L’éventail est hallucinant : des bateaux, des cabanes, des propriétés historiques, des villas luxueuses. En cinq mois, deux millions d’utilisateurs supplémentaires s’inscrivent. À la fin de l’année, Airbnb en compte déjà cinq millions. Mi-2012, ils sont dix millions.

Le cap des 150 millions d’utilisateurs a été franchi depuis longtemps. Plus de 100 000 villes accueillent au moins un logement Airbnb. Chaque nuit, deux millions de personnes dorment dans un hébergement trouvé via la plateforme. Difficile d’imaginer le voyage autrement désormais. La prochaine fois que vous chercherez un toit à l’autre bout du monde, il y a fort à parier que le nom Airbnb s’imposera à vous, preuve que deux matelas gonflables peuvent, parfois, renverser tout un secteur.